Révision du Code des obligations en matière de contrat d’entreprise et de vente immobilière

Considérant que le délai d’avis immédiat des défauts était trop rigoureux pour les maîtres d’ouvrage immobilier et que nombre d’entrepreneurs et de vendeurs avaient tendance à limiter excessivement les droits de garantie des maîtres d’ouvrage et des acheteurs, le Parlement a décidé le 20 décembre 2024 de renforcer la position de ces derniers en modifiant plusieurs dispositions du Code des obligations en matière de contrat de vente et de contrat d’entreprise. L’entrée en vigueur de cette révision a été fixée au 1er janvier 2026. Les principales modifications consistent en l’instauration d’un délai légal minimal de 60 jours pour procéder à l’avis des défauts, ainsi que d’un droit impératif à la réparation en faveur non seulement du maître d’ouvrage mais aussi de l’acheteur d’une construction devant encore être érigée ou ayant été érigée moins de deux ans avant la vente. Enfin, le législateur a prévu un délai minimal de prescription de 5 ans pour l’action en garantie des maîtres d’ouvrage et des acheteurs. 

Ainsi, le délai légal d’avis des défauts d’un ouvrage immobilier sera porté à 60 jours au moins. Ce délai sera applicable aussi bien aux défauts apparents au moment de la livraison (art. 367 al. 1 nCO) qu’aux défauts cachés qui se manifestent ultérieurement (art. 370 al. 4 nCO). Ainsi, pour les défauts apparents, ce délai commencera à courir dès la vérification de l’ouvrage immobilier (art. 367 al. 1 nCO), y compris lorsque le défaut de l’immeuble résulte d’un défaut de plan (art. 367 al. 1bis nCO). Le maître ne devrait donc plus avoir besoin de signaler immédiatement les défauts apparents au moment de la livraison d’un ouvrage immobilier. Toutefois, l’art. 370 al. 1 CO demeurant inchangé, l’entrepreneur continuera à être déchargé de toute responsabilité dès l’acceptation expresse ou tacite de l’ouvrage par le maître, à moins qu’il ne s’agisse de défauts qui ne pouvaient être constatés lors de la vérification régulière et de la réception de l’ouvrage ou que l’entrepreneur a intentionnellement dissimulés. Pour ces défauts visés dans la seconde partie de l’art. 370 al. 1 CO, le maître prudent qui veut éviter le risque que le juge considère qu’il a accepté tacitement l’ouvrage sera bien inspiré, pour ne pas perdre le bénéfice de ses droits de garantie, de signaler immédiatement, c’est-à-dire au moment de la livraison, tous les défauts apparents pouvant être constatés ce jour-là. Quant aux défauts cachés qui ne pouvaient être constatés lors de la vérification régulière et de la réception de l’ouvrage, le maître devra les signaler dans les 60 jours suivant leur découverte (art. 370 al. 4 nCO), y compris lorsque le défaut de l’immeuble résulte d’un défaut de plan (art. 367 al. 4 nCO). Le délai légal de 60 jours sera un délai minimal. Ainsi, toute convention imposant un délai plus court sera frappée de nullité partielle (art. 367 al. 1bis nCO et 370 al. 4 nCO ; art. 20 al. 2 CO). Il est intéressant de relever que le nouvel art. 367 al. 1 nCO, qui fixe un délai minimal de 60 jours pour signaler les défauts apparents au moment de la livraison, est plus avantageux pour le maître que la solution résultant de l’art. 163 SIA 118, lequel dispose que les défauts connus au moment de la vérification commune mais qui ne sont pas mentionnés dans le procès-verbal de vérification sont présumés avoir été acceptés. Dès lors qu’il instaure un délai plus court, l’art. 163 SIA 118 pourrait donc être considéré comme nul. En revanche, l’art. 172 SIA 118, qui permet à un maître de signaler en tout temps les défauts (non apparents lors de la livraison) qui se manifestent dans les deux ans à compter de la livraison, n’est pas contraire à l’art. 370 al. 3 nCO34. Ce nouveau délai légal de 60 jours sera également applicable aux ventes immobilières (art. 219a nCO). Toute convention imposant un délai plus court sera nulle (art. 219a al. 1 nCO). Il s’agira ici aussi d’une nullité partielle (art. 20 al. 2 CO). Ainsi, l’acheteur d’un immeuble disposera de 60 jours pour signaler les défauts au vendeur (art. 219a al. 1 nCO). 

Les Chambres fédérales ont décidé d’instaurer un droit impératif à l’élimination de tout défaut affectant une construction (art. 368 al. 2bis nCO). Toute clause convenue à l’avance qui restreindra ou exclura ce droit est nulle. Il s’agira d’une nullité partielle (art. 20 al. 2 CO). L’entrepreneur ne pourra donc plus s’affranchir conventionnellement et à l’avance de son obligation de réparer. Cela devrait donc signifier la fin de la pratique consistant pour l’entrepreneur à céder au maître ses propres droits de garantie tout en s’exonérant parallèlement de toute responsabilité pour défauts. En effet, dès lors que l’entrepreneur sera exposé au risque de devoir éliminer les défauts à ses frais, il sera bien inspiré de ne pas céder ses droits de garantie au maître, sous peine de ne plus pouvoir se retourner contre ses sous-traitants le jour où le maître exigera la réparation de l’ouvrage. Il faut souligner une grande nouveauté introduite par le législateur. Désormais, l’acheteur d’un immeuble qui comprend une construction devant encore être érigée ou ayant été érigée moins de deux ans avant la vente pourra exiger que le vendeur répare les défauts à ses frais. Impératif, ce droit à l’élimination du défaut sera soumis aux dispositions sur le contrat d’entreprise (art. 219a al. 2 nCO et 368 al. 2bis nCO). Ainsi, celui qui achète sur plans ou qui acquiert un immeuble qui a été construit moins de deux ans avant la vente disposera d’un droit à la réparation de son immeuble. Ce droit sera également applicable aux constructions qui ne sont pas destinées à un usage personnel ou familial. Le vendeur ne pourra donc pas s’affranchir de son obligation légale d’éliminer les défauts par une clause exclusive ou limitative de responsabilité qui serait contenue dans l’acte de vente. 

Enfin, l’action en garantie du maître sera soumise à un délai minimal de prescription de 5 ans. Ce délai ne pourra pas être modifié au détriment du maître (art. 371 al. 3 nCO). Comme par le passé, ce délai court dès la livraison de l’ouvrage immobilier (art. 371 al. 1 CO). À noter qu’en cas de vente immobilière, l’action en garantie pour les défauts de l’immeuble se prescrit également par 5 ans à compter du transfert de propriété. Ce délai ne pourra être modifié au détriment de l’acheteur (art. 219a al. 3 nCO).

Ces nouvelles règles légales ne seront toutefois applicables qu’aux contrats d’entreprise et de vente qui auront été conclus à compter du 1er janvier 2026. Pour les contrats conclus avant cette date, ce sont les règles actuellement en vigueur qui continueront de s’appliquer. Les parties à un nouveau contrat peuvent néanmoins anticiper ces nouvelles dispositions légales en les intégrant déjà à leur contrat. 

Pour plus d’informations sur le sujet, cf. Daniel Guignard, Les garanties du maître de l’ouvrage et de l’entrepreneur dans la construction, in not@lex 2025, p. 53-68.